dimanche 25 juillet 2010

Origine, appellations et formes de la Berrad (la théière maure)

On estime à 1670, la plus ancienne théière anglaise connue, dont la forme initiale et l’origine rappellent les théières chinoises.
Au XVIIe et XVIIIe siècles, alors que l’étain connaît son apogée, vers 1690, un style nouveau émerge avec la théière piriforme en étain. Contemporain et très en vogue à l’époque, sous le règne de la reine Anne Stuart (1702-1714), ce modèle est depuis devenu dépassé ou archaïque.
(UKERS W.H. - 1935. All About Tea et The Tea and Coffee Trade Journal Company, New York, 2 vol, II p 437 - Dans cet ouvrage classique de l'histoire mondiale du thé, l'auteur place l’apparition de la théière piriforme sous le règne de la première souveraine de Grande-Bretagne).

A New York, parmi les collections du Brooklyn Museum , on peut admirer plusieurs répliques fidèles de ces théières anglaises en étain du début du XVIIIe siècle.



- A gauche: Théière d’étain, travail anglais, début du 18e siècle.
- Au centre: Théière d’étain par William Will à Philadelphie (1764-1796).
- A droite: Théière d’étain par Timothy Brigden.



Ces reproductions parfaites du modèle piriforme constituent à n’en pas douter, le prototype de la Berrad maure, dont l’origine doit remonter à la fin du XVIIe siècle.
Dupliquées, fabriquées et importées probablement de Grande-Bretagne ou d'Espagne, ces théières apparaissent dans le Maghreb au début du XVIIIe siècle avec le thé.
Devenu depuis un accessoire localement traditionnel, l’origine la théière dite
« maure » est donc relativement récente.


Appellations :

L’arabe marocain donne pour théière « al-magraj ».
L’appellation de « berrad » à la théière, s’est probablement faite du Maroc, à l’ensemble du Maghreb. Elle correspond à la traduction du terme arabe berrada dont le radical signifie froid et désigne primitivement une gargoulette (récipient en terre, poreux qui permet par évaporation de rafraîchir l'eau qu'elle contient).
Les nomades des régions Sahariennes ignorent la gargoulette, jugée encombrante et fragile.
Dans “Estudios Saharianos de 1955”, Julio Caro Baroja mentionne une bouilloire magrây qui signifie théière, elle-même baptisée gargoulette, spécifiant d’ailleurs que cet ustensile sert à chauffer l’eau dans la théière « …para calentar agua en la tetera ».
C’est un paradoxe pour le Maroc, où les gargoulettes destinées à rafraichir le liquide, et les bouilloires qui restent presque tout le temps sur le feu, sont des objets du quotidien.


Sur la forme :


Contemporaine à l’époque,
la théière d’étain piriforme du XVIIIe siècle tend à diversifier ses contours.
Sa base large et aplatie qu’on pose aisément sur le charbon de bois incandescent subira certaines modifications appréciables.
Rendue plus robuste que l’étain grâce aux métaux argentés (maillechort, ruolz), elle évolue, se modernise et obtient sa forme traditionnelle actuelle.


Nomade et moderne :

Dans le désert, la préparation du thé est légèrement différente. Le style globuleux de la théière en tôle émaillée que l'on pose directement sur le feu, tend à devenir celui du bivouac, des expéditions et des brutalités de la route.
En métal émaillé polychrome, de couleur vive, unie ou orné de motifs stylisés. La base arrondie du récipient rempli de thé, d'eau et de sucre, s’adapte davantage à un demi enfouissement dans la braise très fragmentée et friable.




Crédits Photos: Lifodep - Abbotabad

mercredi 21 juillet 2010

Art & Matières. La dinanderie Fassie - Marrakchie

Fleuron de l’artisanat marocain.



Cette technique de martelage artisanal, inspirée de nombreuses influences étrangères, consiste à réaliser manuellement des pièces métalliques de qualité exceptionnelle, en fonction de l’éclat des matières choisies, l’élégance des formes et l’harmonie des proportions.



Apparue quatre mille ans avant notre ère en Egypte, c’est au Moyen Age, dans la vallée de la Meuse, mais plus particulièrement en Belgique à Dinant vers le XIIème siècle, qu’elle se développe.
Son appellation est issue de la corporation des " batteurs de métaux " dinantais qui reçoivent leurs statuts en 1255.



Ce savoir-faire séculaire se déroule en deux étapes majeures:

L'emboutissage et la rétreinte : Pour la réalisation basique et la mise en forme de la pièce.

Le sous planage et le planage : Pour l’assemblage et la finition des pièces.


Devenue depuis une des spécialités artisanales des villes de Fès et Marrakech, les ferronniers et les artisans marocains ont acquit une incontestable réputation pour leur travail sur les métaux, leurs techniques immuables et leur créativité intarissable.



Ils fondent, coulent, martèlent, transforment, gravent et cisèlent les accessoires traditionnels nécessaires à la cérémonie du thé vert à la menthe.


Perpétuant leurs secrets de fabrication, les dinandiers créent des plateaux circulaires, des bouilloires, des théières, des boîtes pour le thé, le sucre ou la menthe.


Mais aussi divers objets utilitaires (des tables, des coffres, flacons de parfums, chandeliers et lanternes…), des ustensiles pour la cuisine et des bijoux exceptionnellement.




Au gré des commandes et selon le niveau de raffinement artistique des créateurs, chaque pièce est méticuleusement réalisée à partir de métal en feuille plus ou moins précieux, en étain, en cuivre rouge, en laiton, ou encore en bronze, en alliages argentés (maillechort, ruolz), parfois en argent massif ou très rarement en or.


Une fois la pièce terminée et polie, celle-ci sera signée ou poinçonnée par son fabricant pour garantir l’origine, la rareté ou la qualité exceptionnelle de l’objet.















Livre + DVD-Vidéo
Auteur: Baptiste Buob
Collection - Archéologie expérimentale et ethnographie des techniques


ARTISANAT DU MAROC - Décoration/Articles de maison/Produits du terroir.

Crédits photos: Pierre Arnaud Chouvy

jeudi 15 juillet 2010

Souvenirs d'un voyage à Mogador

Dans cet extrait, tiré d’un ouvrage de 1859 «Souvenirs d'un voyage à Mogador», Paul-Eugène Bache rapporte à propos du thé:

“ On faisait au Maroc, il y a quelque quarante ans, une aussi prodigieuse consommation de café que dans les autres contrées musulmanes du Levant, c'est-à-dire qu’on en prenait à toutes les heures du jour et de la nuit.
Dans le courant de l’année 1820, peut être avant, les Anglais ayant fait à l’empereur des présents de thé (avec la manière de s’en servir), ce prince en offrit aux personnes de sa cour, et bientôt l’usage de cette boisson nouvelle se répandit, de proche en proche, jusqu’au dernières classes de la société ; de telle sorte que, toutes choses égales d’ailleurs, on prend aujourd’hui autant de thé dans l’empire du Maroc qu’en Angleterre.
Cette innovation, assurément surprenante chez un peuple aussi religieusement coutumier que le peuple maure, pourrait sans doute s’expliquer par une des formelles prohibitions du Koran, qui défend, comme on sait, l’usage des boissons fermentées capables d’enivrer, au nombre desquelles certains docteurs musulmans n’ont pas hésité à ranger le café ; mais il vaut mieux en faire honneur à la politique, à l’adresse mercantile des Anglais, qui, d’une part, maîtres de Gibraltar, d’autre part, en possession presque exclusive du monopole du thé qui se débite dans tout l’univers, ont su s’arranger de façon à écouler chez leurs voisins les Marocains ce produit exotique, qui forme une des riches branches du commerce britannique.

Isle de Mogador ses mouillages et son port / [Bellin]
Isle de Mogador ses mouillages et son port / [Bellin]
Source: Bibliothèque nationale de France


Quoi qu’il en soit, il n’est guère de Marocain un peu aisé qui n’ait chez lui du thé à offrir, à toute heure du jour, aux personnes qui viennent lui rendre visite. Le thé se prend très fort, rarement avec du lait, et le sucre se met en bloc dans la théière, avant de servir. Chaque habitant a dans sa maison un petit coffre, fermant à clef, exclusivement destiné à contenir le thé et le sucre ; ce coffret est placé sur la natte ou le tapis, à l’endroit où le maître du logis a coutume de s’asseoir habituellement. Pas n’est besoin d’ajouter que les gens du Maroc ne savent s’approvisionner de sucre et de thé surtout que chez leurs bons amis les Anglais de Gibraltar. Mogador a suivi l’exemple des autres villes de l’empire, et l’usage du thé, remplaçant le café, s’y est promptement popularisé *”.


* M. de Colomb nous apprend, dans une notice sur les Oasis du Sahara (Revue Algérienne et Coloniale, numéro de septembre 1860, t. III, p. 315), que « les blancs, les djouad, mollement étendus sur le sable, à l'ombre des palmiers, donnent leurs ordres en buvant du thé... oui du thé, car cette boisson chinoise après avoir envahi le Maroc, importée par le commerce Anglais, est arrivée jusqu’à Touat et y est consommée en assez grande quantité par les classes aisées. Seulement, à l'instar des Marocains, les Touatiens mêlent beaucoup de feuilles de menthe avec la précieuse feuille de l'arbre asiatique, et substituent ainsi au nectar parfumé une nauséabonde tisane ».

samedi 10 juillet 2010

Aromates, Epices & Variantes

En hiver, dans les territoires d’Afrique du Nord compris entre la mer Méditerranée, le Sahara et l’océan Atlantique, la menthe fraiche est rare. Il sera donc possible de la remplacer par des feuilles de menthe séchées, accompagnée de feuilles d'absinthe, pour relever la saveur de la liqueur.
D'autres aromates, condiments ou épices, tels que la menthe poivrée, les pignons, les pétales de roses, les stigmates de safran ou la pâte de haschisch peuvent aussi aromatiser le thé à la menthe.
Il est classique d’agrémenter l'infusion de quelques gouttes d’eau de fleurs d’oranger dans le verre, ou de frotter le sucre avec de l'écorce de cédrat.
Parfois, dans les familles aisées, il arrive qu'on ajoute de l'ambre gris ou noir, que l'on place alors dans le chapeau du berrad.
Au printemps et à l’automne, la verveine ou la sauge parfumeront le thé. En été, ce sera plutôt le basilic ou la marjolaine.
Dans le Moyen Atlas, on infuse le thé avec du romarin ou du thym sauvage.


L’absinthe :

En raison de leur goût très fort et particulier, les feuilles d'absinthe appelées «chiba», sont ajoutées en petite quantité pour couvrir la dormance hivernale de la menthe.
Utilisées fraiches ou séchées pour le thé, elles stimulent l’appétit et réchauffent le corps.







La menthe poivrée :

Originaire du Moyen-Orient. L’utilisation des feuilles fraiches ou séchées pour les tisanes ou les infusions, favorisent la digestion.






Les pignons :

Couramment utilisés pour parfumer le thé à la menthe en Syrie et en Tunisie.
La saveur ronde et douce, rappelle l'amande et le miel.
Très riches en huile et très nutritifs, les pignons (graines) avaient autrefois la réputation d'être aphrodisiaques.



Les pétales de rose :

La douceur des pétales de rose entiers, apportent à l’infusion un parfum fleuri et raffiné.




Les stigmates de safran :

Extrémité supérieure du pistil, les stigmates du safran (trois par fleur de Crocus Savitus) constituent l'épice la plus chère du monde. Il faut 150 000 fleurs pour faire un kilo de stigmates séchés.
Partie intégrante de la culture en Iran, le safran symbolise la sagesse.



La pâte de haschisch :

Incorporée à la préparation du thé, elle accentue le goût âcre et amer. Résine de consommation illicite aux effets secondaires imprévisibles, la pâte de haschisch stimule, modifie l’imagination, l’humeur, les sensations et le comportement.
A éviter en raison de sa toxicité.



L’eau de fleurs d’oranger :

Extraite par distillation des fleurs du bigaradier. On l’utilise pour aromatiser le thé dans le verre.
Grace à ses propriétés relaxantes, elle favorise l'endormissement
La fleur d'oranger, très parfumée, symbolise la pureté.




Le cédrat :

Agrume proche du citron, avec des notes de cèdre, son zeste parfumé est très agréable.





L'ambre gris ou noir :

Dans la tradition marocaine, on utilise un morceau d’ambre gris comme fixateur de senteurs, collé dans le couvercle de la théière.
Ce phéromone d’origine animale, aromatise le thé durant plusieurs mois. La fragrance ambrée, musquée, de cuir tanné, marine, avec des tons de lait maternel agit sur le système hormonal par stimulation olfactive.
C’est un aphrodisiaque consommé par les hommes et les femmes en Iran et au Moyen-Orient.



Crédits Photos:

dimanche 4 juillet 2010

Ingrédients essentiels pour le thé à la menthe

Le Gunpowder:


Le Gunpowder “Poudre à canon” est un thé vert chinois originaire de la province du Zhejiang.
Il doit son nom à ses feuilles roulées en perles. Vif et astringent, frais et désaltérant, il diminue l'amertume des feuilles de menthe ou d'absinthe, sans dénaturer le gout et la couleur de l'infusion.
La brillance des feuilles indique un thé jeune et témoigne de leur qualité.


La Menthe Nanah:


Plante aromatique aux vertus digestives et rafraichissantes, la Menthe Nanah fraiche, est très similaire à la menthe verte, tonique et stimulante .






Le Pain de Sucre:


Le Pain de Sucre “Kaleb Soukar” fut découvert vers l’an 500 av J-C en Inde.
Entré dans l’ère industrielle en 1929 avec la création de COSUMAR (Compagnie sucrière Saint-Louis de Marseille).
La fabrication est restée quasiment inchangée depuis le début de sa commercialisation au Maroc.
Ce sucre dit de «première coulée» est un sucre de première qualité, un produit de luxe.
Moulé dans un cône, il cristallise et abandonne son sirop, par effet d’entonnoir. Sa taille et sa forme conique originale sont très reconnaissables, son poids standard est de 2 kilos.
Sa facilité de conservation et sa forte résistance aux agressions du temps le rend facilement transportable sur de très longues distances sans risque de détérioration.

Le pain de sucre est emballé dans un papier bleu spécifique.
Plus qu’un produit alimentaire adopté par les consommateurs, c’est un symbole intégré aux coutumes du peuple marocain.
Une offrande traditionnelle ou religieuse, réservée à l’occasion d'évènements forts de la vie ou lors de différentes cérémonies familiales.


Crédits Photos: Teamothe - Miss Kcc